Mgr Barbarin, primé par le Nouvel Economiste: une parole incarnée

Publié le par L'oiseau sur la branche

Il y a quelques mois, l'évêque catholique de Lyon, Monseigneur Philippe Barbarin a été désigné par Le Nouvel Economiste (link), "régulateur de l'année 2010". Ce titre décerné par un journal qui n'est pas spécialement chrétien montre qu'une parole et une action inspirées par l'Evangile peuvent rencontrer un écho dans une société sécularisée. A quelle condition? L'article paru dans ce journal et repris sur le site du diocèse de Lyon peut nous éclairer. La foi du Cardinal Barbarin est une foi incarnée, une foi qui sait s'exprimer de manière audible sans concessions  aux modes du temps, une foi également qui produit des oeuvres de charité. Aux yeux des hommes comme devant Dieu, l'avertissement de l'Epître de Jacques doit retentir en nous: une foi qui ne produit pas d'oeuvres de charité est une foi morte, un simulacre de foi. Les hommes attendent à juste titre de nous que nous produisions des preuves de notre foi et ces preuves ne sont pas seulement intellectuelles ou spirituelles, elles sont dans l'attention au prochain, la présence à celui qui souffre. La parole n'est forte que si elle s'incarne.

 

 

"Mgr Philippe Barbarin, la parole forte
De plain-pied dans la cité des  hommes

Il ne se lasse pas de rappeler l’essence de la foi catholique à tous, petits et grands. "La dernière ligne du "Notre Père" est un beau cri : "Délivre-nous du mal". Je pense à tous ces lieux d’esclavage - l’alcool, la drogue, l’argent, le pouvoir - dans lesquels il faut annoncer un vrai message de libération." Est-ce l’effet de la célèbre colline de Fourvière dominant Lyon ? Mgr Philippe Barbarin semble être en tout cas à l’endroit idoine pour un homme de religion qui veut être dans "le monde tel qu’il est", c’est-à-dire de plain-pied dans la cité pour en sentir toutes les vibrations - heureuses et malheureuses - tout en gardant une certaine distance pour ne pas se laisser emporter par le flot de l’agitation. Et l’agitation, il n’en a pas manqué ces derniers mois au sein de l’Eglise catholique, avec d’un côté par exemple le pire - les terribles révélations de pédophilie - et de l’autre le meilleur - le phénoménal retentissement du film Des Hommes et des Dieux. "La vocation d’un évêque est d’être l’avocat qui défend la cause de Dieu dans la vie des hommes ou même de la société qui ont tendance à le mettre de côté", assume pleinement le cardinal. Pour remplir sa mission, Mgr Philippe Barbarin déploie une énergie tous azimuts hors du commun. C’est un vrai tempérament - il a un appétit insatiable de vie, de travail et de rencontres, témoigne un Lyonnais. Doublé d’une puissante mécanique intellectuelle. Il a au cours d’une retraite d’été accouché d’une "Lettre pastorale" de plus de 200 pages, véritable déclaration d’intention sur l’avenir du diocèse à l’adresse des ouailles. Une réflexion fortement imprégnée de la lecture des Evangiles et de la Bible qu’il connaît sur le bout des doigts. Apportant ainsi sa pierre à l’édifice d’une cohésion sociale toujours en chantier tant au niveau local que national et même au-delà de nos frontières. Nul doute que parfois, il doit se prendre à rêver à la ferveur catholique qu’il a rencontrée lors d’un récent voyage au Brésil, ferveur extravertie qu’expriment parfois des assemblées de près de 100 000 personnes. Mais il sait que pour lui, c’est "ici et maintenant", dans cette France très largement déchristianisée qu’il doit œuvrer.

L’éclaireur local

"Un évêque, c’est d’abord un serviteur. Dans l’étymologie du mot "épiscopat", il y a le verbe grec qui veut dire visiter. Un aspect essentiel de ma mission est donc d’aller dans les villes, les banlieues et les campagnes pour écouter et découvrir la vie des gens." Mgr Barbarin laboure le terrain, ne laissant rien de côté. Quatre ou cinq fois par an, il se "pose" une petite semaine au même endroit, à la rencontre de différentes communautés. Et il ne se lasse pas de visiter les hôpitaux et les prisons, de donner son temps "à ceux qui souffrent". Il n’a pas hésité à peser de toute son aura pour que l'Hôtel-Dieu, célèbre bâtiment de la ville, conserve une part de sa superficie dédiée à la santé. De même a-t-il ouvert les portes d’une bâtisse diocésaine pour y accueillir pendant la période des grands froids des dizaines de SDF. C’est bien le moins que l’on peut attendre des religieux qui prônent la charité et l’amour du prochain, dira-t-on. Certes, mais lui met les actes en conformité avec les discours - "l’évêque est l’avocat des petits, de toux ceux qu’on oublie, qu’on méprise ou qu’on ignore", revendique-t-il avec force. Cet engagement presque physique n’est pas si courant et il se double d’une autre volonté : celle "d’apporter la paix" à la mesure de ses moyens. Ainsi participe-t-il à l’échelle de la communauté lyonnaise à un original G9 interreligieux se réunissant deux fois par an. "A l’approche de la guerre d’Irak au printemps 2003, nous nous étions réunis, juifs, musulmans et chrétiens, pour que ce conflit n’entraîne pas un surcroît de violence par ici", explique-t-il.

Le débatteur national

Au niveau national, il met son talent de communicant à l’aise dans sa relation avec les médias pour monter au filet dans les "coups difficiles". Et Dieu sait qu’ils n’ont pas manqué ces derniers mois. Sa capacité à rendre intelligible par des mots simples, en prise avec le vécu de ses contemporains, éclaire, que l’on y adhère ou pas, des prises de position papales qui, à défaut d’éclairage, sont souvent difficilement compréhensibles. Il n’hésite pas à prendre la plume pour développer le point de vue de l’Eglise dans les grandes controverses. Il a défendu ainsi fermement le repos dominical et il vient de récidiver dans le Figaro contre "le droit à l'euthanasie" . De fortes paroles qui trouvent à chaque fois un vrai écho. "Les évêques de France ont pris la parole avec clarté sur des sujets majeurs comme la loi sur l’euthanasie en 2005 ou celle de l’immigration en 2006", argumente l’évêque, marquant son souci de jouer collectif et non pas perso comme en témoignent ses bonnes relations tissées avec Mgr Vingt-Trois, le cardinal archevêque de Paris. Dans toutes ces matières, ses réponses relèvent bien de ce qu’on attend d’un responsable religieux mais sans langue de bois, ou ici de... buis. Sur les douloureux cas de pédophilie, il n’hésite pas à "remercier les victimes" qui font cet effort important sur elles-mêmes pour que ces choses soient dites et permettent à l’Eglise de crever l’abcès. Mais en même temps, il interpelle : si l’Eglise a fait ce travail et mis en place des protocoles spécifiques pour traiter de ces cas, les autres organisations de la société peuvent-elles toutes en dire autant ? De même, il reprend pour l’expliciter encore plus clairement les positions du Pape sur le préservatif : L’Eglise propose une vision de l’amour vécu dans le cadre de la fidélité du mariage. A défaut, l’Eglise dit qu’il ne faut pas prendre de risque et qu’il faut protéger sa vie et celle de son partenaire.

Le communicant multi-canal

Pour maîtriser sa communication, il passe aussi par un site Internet très visité où il laisse même parfois des messages vidéo. Les médias ne s’y trompent pas. Ils savent qu’avec lui, les réponses seront nettes, claires et sans détour. "Sa force intérieure lui donne une très grande confiance. Il ne craint pas "d’aller au charbon" et de faire le travail d’explication aux journalistes", témoigne un proche. Déjà très expérimenté, il connaît les "lois" des médias et en connaît surtout la versatilité. Il relève combien le Pape est sujet à ces variations. Présenté lors d’une visite en France comme "un bel exemple de délicatesse, d’intelligence et d’attention", il devient trois mois plus tard quasiment l’"ennemi public" numéro 1. "Je suis un peu amusé de voir qu’on fait au sujet du Pape des sondages, comme pour un homme politique, où des voix - soi-disant autorisées - lui distribuent réprimandes ou bonnes notes. C’est étonnant et même assez dérisoire", juge-t-il, ayant l’occasion d’approcher le Pape - en tant que cardinal il participe aux réunions biannuelles au Vatican et il a eu l’opportunité de l’accompagner lors de ses voyages en Angleterre et en Espagne. "Benoît XVI se rend compte de tout cela, mais il poursuit sa mission paisiblement", témoigne-t-il. Pour autant, il n’en admet pas moins le besoin permanent de l’Eglise et de la communauté "d’être réveillées et rendues plus attentives aux appels et aux souffrances des hommes". Pour autant, jamais le travail de vulgarisation ne le cède à la facilité. Il ne se lasse pas de rappeler sans ambiguïté l’essence de la foi catholique à tous, petits et grands. "La dernière ligne du Notre Père est un beau cri : "Délivre-nous du mal". Je pense à tous ces lieux d’esclavage - l’alcool, la drogue, l’argent, le pouvoir - dans lesquels il faut annoncer un vrai message de libération." Dernière illustration de la "carrure" du personnage, puisée à l’échelon international : la présidence d’un improbable et étonnant "Congrès national de la Miséricorde" à Kigali, capitale du Rwanda, pays déchiré par le génocide d’un million de ses habitants il y a une quinzaine d’années, preuve que "l’amour de Dieu peut être victorieux, et qu’au dernier jour, assurément il le sera"."

 

Philippe Plassart


Source : Le Nouvel Economiste, jeudi 3 février 2011.

Publié dans Evangélisation

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